Abstract

Dès la dynastie des Yuan (1271-1368), l’axe central constitue le cœur de la cité impériale et du pouvoir, et se déploie depuis la tour du tambour au nord jusqu’à la porte de Yongding au sud. Dévalué par le gouvernement maoïste depuis 1949 en raison de sa charge hautement symbolique, il fait depuis deux décennies l’objet d’une attention particulière de la part des autorités locales qui cherchent à le remettre en valeur dans le contexte d’un intérêt grandissant pour les inscriptions de sites patrimoniaux à l’UNESCO. Les diverses démarches conduites par les spécialistes du patrimoine sous la houlette des responsables de l’aménagement du territoire et de l’urbanisation de la ville de Pékin visent à exhumer un espace à la fois politique, historique et social. Plusieurs quartiers proches de la Cité interdite (Qianmen, Shichahai, Nanguoluxiang, Gulou ou Baitasi) ont ainsi été transformés, rénovés ou détruits en prenant appui sur un enchevêtrement complexe de politiques patrimoniales mises en œuvre sur le territoire. La réalisation de ces projets urbains repose également sur une certaine ingénierie sociale modifiant les modes de vie et d’habiter populations locales. Après une première tentative en 2013, la Chine soumet une nouvelle candidature le 2 février 2023 pour inscrire l’Axe central de Pékin sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Dès lors, quels récits publics sont déployés pour légitimer ces mutations urbaines ? Que cachent-ils ? Dans quelle mesure peuvent-ils être partagés ou contestés ? Comment ces représentations culturelles interagissent-elles avec la pluralité des mémoires locales ? Quelles voix peuvent se faire entendre au sein des populations concernées par ces changements urbains ? Comment certaines communautés locales s’approprient-elles ces espaces historiques patrimonialisés pour revendiquer et visibiliser d’autres formes de mémoire locale ? Enfin, quelles marges de manœuvre ont-elles pour résister à leur éviction et déplacement dans un autre lieu ? La contribution visera à interroger les dynamiques patrimoniales pour dévoiler le palimpseste de la capitale chinoise et identifier les usages sociaux de son héritage urbain reconnu à la fois par le « haut » (le pouvoir propriétaire du sol) et le « bas » (les populations résidentes, les propriétaires de la mémoire et des pratiques des lieux).

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